mercredi 12 avril 2017

LONGCHAMP ET LES MODES DE PRINTEMPS


Si je vous dis « Longchamp », à quoi pensez-vous ? Une célèbre marque d’accessoires de mode ? Un fameux hippodrome ? Qu’il s’agisse de l’un ou de l’autre, vous êtes bien plus proche du sujet de cet article que vous ne pourriez le penser…

Longchamp est l’une des promenades les plus prisées de l’élite parisienne du XIXe siècle. Si l’hiver est une saison de confinement, l’arrivé du printemps marque le retour aux mondanités de plein air. Dès que la météo le permet, les riches élégantes s’y montrent, à pied ou en voiture de préférence découverte, cela va de soi. Durant la semaine Sainte, du mercredi saint au dimanche de Pâques, cette promenade est l’objet d’une manifestation mondaine de grande envergure durant laquelle les élégantes se font les ambassadrices des modes les plus nouvelles. Les souverains en place où des membres de leur famille susceptibles de les représenter avantageusement se doivent d’y paraître. Le monde de la diplomatie se plie également à l’exercice. Quand aux simples promeneurs, ils sont nombreux à louer une chaise pour profiter du spectacle.


Modes de Longchamps.
Journal des dames et des modes, 1838, gravure n° 3552.

   La renommée de ce rassemblement dépasse de loin les frontières de la capitale française. Professionnels de la mode ou femmes du monde viennent des quatre coins d’Europe pour prendre part à ce qui s’apparente à  une véritable « Fashion week » avant l’heure. À Paris, modistes et autres marchands de nouveautés préparent cet événement pendant plusieurs semaines. Certains se déplacent même depuis la province pour s’informer des tendances : « Il nous est resté de tout cet appareil l’usage de nommer "mode de Longchamp" tout ce qui se façonne en parure pour la nouvelle saison. Ainsi les modistes de la province abondent dans ce moment à Paris pour recueillir les données qui doivent diriger le goût jusqu’à l’hiver prochain.[1] » Chaque année, les chroniqueurs attendent le « défilé » pour déterminer les tendances qui domineront la mode jusqu’à l’automne : « Longchamp (…) a (…) conservé une sorte d’influence traditionnelle sur les modes. On attend cette époque pour s’habiller.[2] »  Tissus, couleurs, coupe des vêtements, coiffure, bijoux, fleurs, gants ou encore chaussures, il n’est pas un frou-frou qui échappe à la sagacité des rédacteurs de mode. Les articles qu’ils conçoivent pour les journaux français font office de décrets qui déterminent la mode dans les capitales européennes.

Lors de l’événement de Longchamp, l’exercice de style dépasse le seul domaine vestimentaire. Les femmes les plus riches s’exhibent confortablement installées dans de riches attelages. Chacune d’elles, parée des nouveautés les plus fraiches, forme un tableau mobile savamment mis en scène. Si le rassemblement débute dès le mercredi saint, on réserve les équipages les plus brillants pour le vendredi : attelage à la française, à l’anglaise ou à la d’Aumont, calèche, tilbury, Stanhope phaéton, landau, mais également robe des chevaux ou couleur de la caisse, là encore il faut être dans le ton. En amont de la manifestation, les voitures hippomobiles sont repeintes et retapissées afin de répondre précisément aux tendances en la matière. Et ces messieurs ne sont pas en reste ! Vêtus à la dernière mode, ils exhibent leur nouveau pur sang avec les accessoires assortis : harnachements, selleries, cravaches, etc. Car après la mode, Longchamp célèbre les plaisirs équestres sous toutes leurs formes.


As-tu été à Longchamps... 
Caricature de Cham, Musée du château de Compiègne. 
Photo (C) RMN-Grand Palais (domaine de Compiègne) / Franck Raux.

Cette tradition s’essouffle peu à peu mais parvient à se maintenir jusqu’au Second Empire. En 1854, le site historique de la célèbre promenade est choisi afin d’y bâtir un hippodrome. Inauguré en 1857, la renommée de ce dernier ne cessera de grandir. Les courses qui s’y déroulent toute l’année sont particulièrement prisées des élégantes qui en profitent pour exhiber les dernières créations des couturiers les plus célèbres. Ainsi, on fit Longchamp en toutes saisons !





[1] Petit courrier des dames, 5 avril 1834
[2] Petit courrier des dames, 15 avril 1847

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